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Captés

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Dans nos villes, les espèces graphiques qui émanent des institutions publiques sont innombrables. Il y a celles qui forment le réseau des inscriptions invisibles et assurent aux gestionnaires toutes formes de contrôle et de surveillance. Mais il y aussi celles qui sont destinées au public, pour des raisons qui semblent se renouveler sans cesse.

Aux monuments gravés, aux frontons, à tout ce qui a pu faire le bonheur des épigraphistes, et dont on n’a cessé de démontrer la portée symbolique, s’ajoutent les marquages et les panneaux qui fonctionnalisent la ville, la découpent en zones et y instaurent des flux d’entités dont on règle ainsi la cohabitation. Les réseaux électriques puis électroniques ont largement investi ce domaine. L’histoire du feu tricolore et de ce qu’il a fait à la ville, à la ville automobile, est à elle seule passionnante.

Depuis quelques années, des objets graphiques d’un nouveau genre viennent peupler nos mondes urbains. Des panneaux qui donnent à lire le territoire sous la forme de données. Celui-ci calcule le temps qu’il vous faudra pour vous rendre à telle sortie du périphérique. Celui-là vous indique le taux de pollution de l’air. Cet autre affiche un niveau sonore. Ces dispositifs ont en commun deux choses: ils sont associés à des capteurs qui appréhendent la ville en la mesurant; ils exposent les résultats de ces mesures en misant sur leur capacité à susciter une certaine réflexivité. En donnant un mode d’existence public à des choses et des états que l’on ne saurait éprouver soi-même, ils n’augmentent pas seulement le territoire, ils visent aussi à outiller l’action de ses habitants.

On s’en doute, la chaîne qui va du capteur jusqu’au citadin est traversée d’enjeux politiques complexes, de la production d’un savoir normalisé sur la ville et son environnement, jusqu’aux programmes disciplinaires sur lesquels repose l’encadrement d’actions urbaines convenables, en passant par les théories de l’attention que supposent la mise en place d’une forme de citoyenneté informée in situ.

Il y a donc dans ces outils un mécanisme d’instauration d’un monde, désigné comme résultat d’une somme d’actions individuelles. Il suffit de modifier les secondes pour améliorer le premier et cela passe par la circulation d’une information. Si je ralentis un peu, l’air — dont la mauvaise qualité est attestée sous mes yeux — sera moins pollué.

Mais, parmi cet arsenal, que font exactement ces panneaux étranges qui affichent dans la rue la vitesse de notre véhicule? Que font-ils de plus qu’indiquer ce que notre compteur fait lui-même très bien? Beaucoup de choses, à vrai dire. Ils font d’abord apparaître cette donnée parmi toutes les autres espèces graphiques de la ville. C’est-à-dire qu’ils font notamment coexister l’affichage de notre vitesse actuelle avec celui des limites autorisées. Évidemment, ils déplacent aussi ce chiffre, en le faisant sortir de l’habitacle privé de la voiture (où seuls les enfants qui commencent à lire peuvent faire des remarques insidieuses: “pourquoi tu roules à 60 km/h, papa?”), dans l’espace public de la ville, soumettant l’attitude du conducteur aux regards réprobateurs de ses pairs, mais aussi des piétons, des cyclistes et des chiens s’ils savaient lire. Ils jouent aussi sur la similarité de leurs propres capteurs avec ceux d’un radar qui aurait pu valoir à l’automobiliste pressé une amende. Ceux qui, comme celui de la photo, ajoutent à l’affichage de la vitesse la forme d’un visage qui sourit ou qui fait la moue, font encore autre chose. Ils assument directement la part morale de la mesure et donnent à voir à tous, conducteur compris, l’approbation ou la désapprobation publique.

***

Texte écrit par Jérôme Denis, qui invite sur son site le texte Charte révolutionnaire en forme d’abécédaire contre le parc urbain généralisé et servant de mode d’emploi à la réalisation de nos attentats poétiques, à compléter par ceux qui luttent dans le cadre du projet de vases communicants: “le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.’’


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